
Dans le quotidien L’ALSACE du 27 juin 2001.
Rubrique PAROLES en page nationale.
Propos recueillis par Francis GUTHLEBEN
L’angoisse, stimulant vital
Christian JEANCLAUDE traite de l’essence même de l’homme, en ne s’adressant pas uniquement aux professionnel de la psychologie ou de la psychanalyse.
Christian JEANCLAUDE, vous venez de publier un livre qui apparaît déjà comme une référence : Freud et la question de l’angoisse . Pourquoi ce sujet ?
Actuellement, sur le marché de la littérature analytique, il n’existe qu’un seul livre traitant de l’angoisse. 11 date de 1969. Mon objectif a été double. D’abord, recenser toutes les théories de l’angoisse de 1894 à 1938 et se livrer à une analyse critique. Ensuite, proposer un renouveau terminologique pour simplifier les théories freudiennes qui sont contradictoires.
Alors, qu’est ce que l’angoisse ?
L’angoisse est l’essence même de l’homme… Freud a d’abord soutenu que l’angoisse était la manifestation d’une névrose. Dans un deuxième temps, il a expliqué que l’angoisse était la source de la névrose, le noyau du refoulement De façon universelle, l’homme se trouve devant une première situation de danger qui est la perte de la mère, puis une seconde situation qui est la peur du rejet, d’où angoisse de castration, angoisse d’abandon.. .
Donc, c’est nécessaire d’être sujet à l’angoisse ?
Une absence d’angoisse signifierait une pétrification du sujet, une destruction du désir, le triomphe de l’immobilisme, une réduction à néant de la vie psychique.
Peut-on schématiser le comportement de l’homme face à la question de l’angoisse ?
Il y a l’angoisse mordante qui peut entraîner à réduire sa vie à une peau de chagrin et l’angoisse sublimée qui le pousse toujours et encore à élargir sa vie. Seule change la différence de perception et ce que chacun en fait : Piège aliénant ou aiguillon qui le propulse vers la vie. Lorsque l’angoisse se fait trop pénible, c’est que quelque chose crie en nous. Il s’agit toujours d’une manifestation vitale qui demande un changement de vie, une mutation intérieure, une modification des contraintes de l’environnement.
Qu’est-ce qui fait que face à l’angoisse certains sont, disons, actifs, d’autres passifs ?
Oui, quels sont les motifs qui poussent l’être humain à préférer la souffrance au plaisir ? Freud avait développé son concept de pulsion de mort, mais l’argumen-tation est douteuse. Ne s’agit-il pas, plus simplement, d’une conduite d’évitement de l’angoisse que risquerait de rencontrer le sujet s’il venait à prendre conscience de ses désirs inconscients.
Conclusion…
Un sujet ne peut pas naître à lui-même – accepter ses désirs inconscients – sans faire l’expérience de l’angoisse. Il doit échanger un mal (la souffrance névro-tique) contre une douleur acceptée (l’expérience de l’angoisse) pour espérer sortir de ses répétitions aliénantes.
Inséparable de la condition humaine, l’angoisse peut nous ins-truire sur nos désirs inconscients et donc agir comme un stimulant vital.