
La psychanalyse est, je pense, un des derniers bastions de liberté de parole dans notre monde à la botte du dictat de la censure économique. Je veux dire un des rares endroits où la parole est écoutée car, si notre société permissive permet de tout dire à tort et à travers, « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du Monde » nous enseigna Camus. La nouvelle censure du nouvel autoritarisme aime à prendre les voies de l’ostracisme : on n’entend pas, on ne voit pas (à l’image de ces SDF qui pourraient hurler à l’aide autant qu’ils voudraient sans réponse – sinon éventuellement une amende pour perturbation de l’ordre public) .
Nouvelle censure guidée par la régle du « politiquement correct », elle-même soumise à la régle de la rentabilité économique (nous le savons maintenant : la TV sert à vider les cerveaux pour les remplir de messages publicitaires, donc un cerveau devient un simple récipient à la disposition des commerçants) .
Autre bastion de liberté : le livre .
Le livre, celui où l’auteur y met ses tripes, sa pensée, ses années, s’expose et donne ; ce livre-là est un espace de liberté dans lequel le lecteur trouvera une respiration, un espace de mutation et d’évolution.
Je pense que les expériences de mutation -c’est-à-dire, déjouer ce qui est déterminé, permettre du nouveau dans une vie, une perspective inattendue, échapper à ce qui était écrit d’avance, sont possibles grâce à trois événements sous forme de rencontre :
- la rencontre amoureuse ;
- la rencontre avec un ou des livres ;
- la rencontre avec la psychanalyse.
Dans ce sens, des manifestations telles que le Salon du Livre de Colmar revêtent une importance considérable en regard de la liberté. En effet pas de liberté sans livres et sans culture. Pas de liberté sans la contrainte de la culture : penser ex nihilo (nouvelle tarte à la créme de l’Education Nationale qui donne priorité à l’expérience de l’enfant comme valeur sacrée, sans l’inscrire dans un discours préalable) n’existe évidemment pas, tout comme désirer sans la contrainte du manque et de la Loi n’existe pas .
Je pense que la liberté et la culture constituent la matrice de la pensée qu’il faut défendre avec force pour faire barrage à l’archaïsme pulsionnel particuliérement actif dans les nombreux retours à la barbarie de notre monde dit « moderne ».
Christian JEANCLAUDE