Bonjour M. Jeanclaude,
Je me permets de vous écrire après un petit détour sur votre site. J’aimerais en fait avoir votre avis concernant un point précis.
J’ai eu l’occasion de lire via l’intitulé « questions », le message d’une femme qui parle d’une analyse faite par téléphone et votre réponse à cela.
Je voudrais avoir votre avis lorsque l’analyse a commencé en chair et en os, mais se poursuit par téléphone suite à un déménagement. Je veux dire le transfert a déjà eu lieu matériellement parlant.
En fait, j’ai 30 ans et depuis mes 18 ans, je suis assailli d’angoisses qui m’enserrent et me figent. J’en souffre énormément. Bien que psychologue, je ne peux pas exercer mon métier.
J’ai été suivie pendant 3 années dans l’Est de la France par un psychiatre/ psychanalyste puis durant 6 ans dans le Nord de la France par un autre psychiatre/psychanalyste. Il s’agissait essentiellement d’un travail de soutien accompagné de prescription médicamenteuse.
2012 : je suis diplômée et reconnu pour la qualité de mes recherches.
Je quitte mon conjoint et je m’effondre tout de suite après la remise du diplôme.
Je décide de me faire hospitalisée dans une clinique privée car j’ai peur de me suicider. J’y reste 2 mois et demi mais je m’y comporte comme une psy et j’écoute les patients et je refuse une médication plus lourde. Je quitte cette clinique et décide d’arrêter mon suivi psy pendant 6 ans avec le psychiatre et décide de me sevrer des médicaments.
Chose qui est faite. Je suis toujours angoissée mais je ne prend plus de médicaments depuis 2 ans.
Quelques mois après, je décide tout de même de consulter une psychanalyste, cette fois-ci une vraie (dans le sens où je paie et aussi plus de psychiatre), mais je garde un lien particulier avec une ancienne professeure et psychanalyste à qui je « demande toujours ».
Celle-ci me propose de me prendre en analyse « car c’est elle que je viens chercher » (plus tard dans l’analyse, j’ai fait le rapprochement qu’elle portait le même prénom que ma marraine que je considérais comme ma mère idéale fantasmatiquement!) et donc je décide d’arrêter l’analyse qui venait de commencer avec l’autre femme (3 séances à peine) et entreprend une « véritable analyse »…
Seulement voilà, au bout de six mois je déménage dans le Nord, mais je continue l’analyse en me déplaçant une fois/ semaine en voiture (800 km A/R) pour une séance par semaine pendant un an.
L’année dernière, pendant les congés de ma psychanalyste, je me suis retiré pour réfléchir et j’ai rencontré mon conjoint.
Je suis allée à un dernier rdv analytique pour clôturer car je déménageais alors dans le Sud avec mon époux.
Les choses étaient posées et discutées avec la psy. Cependant, mes peurs, mes questionnements… étaient encore et toujours là et une chose en emmenant une autre, j’ai repris contact par téléphone et depuis je bénéficie d’entretiens hebdomadaire par téléphone.
Je sais que cette analyste refuse ce genre de chose d’habitude. Je la sais compétentes mais le transfert a eu lieu.
Cependant, je ne sais comment m’en sortir et j’ai l’impression de tourner en rond !
Qu’en pensez-vous ?
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout,
Bien à vous,
X
______________________________________________________________________________________________________________________________REPONSE
Madame,
Votre lettre me laisse à penser que vous avez une image de la psychanalyse très convenue, qui ne passe que par des explications causales, des réponses à des questions qui n’apportent rien.
La preuve en est que vous êtes toujours dans d’énormes difficultés. La psychanalyse n’est pas une discipline théorique mais une expérience qui consiste à dénouer “ce qui fait mal”, puis à apprendre à vivre le plus simplement possible sans s’embarrasser de questions impossibles, stériles et toxiques.
Vous avez certainement fait psycho comme beaucoup de psychologues, à savoir pour tenter de résoudre vos propres problèmes en faisant l’économie d’une remise en cause par un renforcement massif des défenses versus la théorie… et là il y a de quoi faire ! C’est sans fin.
Quant à votre questionnement, je ne peux que relater une expérience que je fais moi-même.
J’ai en analyse une jeune femme qui a commencer à Strasbourg chez moi pendant 2 ans (c’était vital pour elle) et se trouve maintenant à 1000 km. Je lui ai proposé des séances téléphoniques (2/semaine) et elle revient sur place pendant des WE où nous faisons des 6 séances environ pendant 2 jours.
Quant à vos expériences avec des psychiatres… évidemment, de vous avoir prescrit annule totalement l’idée que vous auriez été en analyse. C’était une erreur : ils auraient dû vous envoyer chez un collègue. Vous avez eu un suivi psychiatrique.
Je vous conseille vivement d’arrêter votre nomadisme et de vous fixer sur un/une analyste pour aller jusqu’au bout… sachant que le bout est difficile à cerner mais soyons simples : pouvoir vivre sans angoisse invalidante, pouvoir aimer et pouvoir travailler selon ses envies dans le plaisir.
Et il est évident qu’une psychanalyse en chair et en os est préférable.
Si vous tenez à votre analyste actuelle (posez-vous des questions simples : avancez-vous ? allez-vous mieux ? vos symptômes sont-ils moins invalidants ? avez-vous changer de regard sur le monde ? etc… autant de critères plus pertinents qu’une irrépressible attirance et captation), allez la voir de temps en temps, en plus des séances téléphoniques.
Bien à vous
Christian JEANCLAUDE
Psychanalyse membre de l’APE
Ancien attaché de recherche à l’université Laval de Québec
DEA en Biologie du Comportement
Monsieur,
Je ne m’attendais pas à une telle réponse, comme une autre façon de penser les choses… Mais je vous remercie, car cela permet au moins de remettre en mouvement ma pensée qui se fige… Je vais tenter de répondre aux questions que je dois me poser concernant mon analyse actuelle…
Par ailleurs, je vous remercie pour cette phrase « vous avez une image de la psychanalyse très convenue, qui ne passe que par des explications causales, des réponses à des questions qui n’apportent rien.. la preuve en est que vous êtes toujours dans d’énormes difficultés ».
C’est dur de l’entendre, mais cela résume bien ce que je vis et comment je fonctionne malgré moi.
Enfin merci, pour m’avoir partagé votre cas, votre expérience avec cette patiente… Merci, car cela permet d’assouplir ma pensée et maintenant à moi de faire et d’assumer mes choix.
Merci encore, ce n’est pas grand chose et en vous lisant, j’ai ressentis un sentiment bizarre de soulagement et de je-ne-sais-quoi qui me dit « oui enfin je me sens comprise ou entendu »… pourtant ça n’a pas lieu d’être… Enfin, c’est difficile de dire, de mettre en mot son vécu avec la parole, alors je ne parle pas de l’écriture…
Cordialement,
X