
Tout cela commence par les institutions de formation dans lesquels sont formatés les enfants, otages du désir de normalisation de la névrose normopathique, tout ceci trempé dans un surmoi collectif inféodé à l’idéologie du moment.
Celui qui y résiste est vite considéré comme souffrant de » troubles mentaux » et on l’envoie chez le « psy » prié qu’il est, celui-ci, de remettre le déviant sur le bon chemin (bon chemin, bonnes intentions devenus pensées positives).
Evidemment, le psychanalyste qui est un « méchant » [1] ne cherchera certainement pas à remettre l’analysant dans le bon chemin, sinon d’espérer l’amener à réinventer un chemin qui lui permette de respirer, et ceci en dehors de toute référence sociale et collective.
Le psychanalyste n’est pavé d’aucune intention ; il n’accepte pas la mendicité (d’affection par exemple), il saute par-dessus la psychopathologie (qu’il connaît par cœur évidemment pour mieux l’oublier au moment d’écouter), il est simplement patient, bienveillant (il ne veut que prendre soin de son patient) et il écoute pour tenter d’épingler des émergences/fulgurances dans le discours de l’analysant. Bref, il est plein d’amour (déplacement de la libido narcissique vers la libido d’objet : def. de Freud) car il respecte la vérité du sujet.
Il ne veut pas le bien des autres… il veut le bien tout court (il ne supporte pas ce qui procède de la pulsion de mort, de tous ses diverticules y compris les plus infinitésimaux car sa propre analyse lui a mis la tête dans ses propres entités mortifères et il en a conçu un dégoût).
Cette situation, si unique, si singulière où l’écoute investie de l’un (le [la] psychanalyste) rencontre la parole de l’autre (l’analysant[e]) prend toute sa dimension quand le libre-arbitre est le catalyseur, le moteur fondamental de ce dispositif.
Les deux faces de cette situation (le setting analytique) sont :
1/ D’un côté le (la) psychanalyste qui a choisi cette activité en dehors de toute formation prérequise mais selon le désir qu’il (elle) a rencontré au cours de son travail ;
2/ De l’autre côté l’analysant(e) qui choisit précisément un(e) psychanalyste pour tenter de trouver une situation qui ne soit pas enfermée par une formation théorique en dehors de toute expérience en tant que patient en analyse, écrasée par un savoir qui ne serait que formel et non pas expérientiel [2]
En effet, la psychanalyse, la fameuse « talking cure », soin par la parole, est affective, expérientielle, faite de vie et non pas de réflexions oiseuses et inutiles. [3]
Notes
[1] Il s’agit bien sûr d’une boutade mais qui vaut qu’on y réfléchisse. Freud, dans » Malaisie dans la culture » montre bien comment la société ne supporte pas le désir (le prototype étant l’amour) car il détourne les forces de travail vers le plaisir individuel, donc est anti-social et contre-productif d’un point de vue sociétal. Une psychanalyse conduit inévitablement la personne vers son désir, vers le sujet. Ajoutons qu’une personne devenant sujet (patron chez soi) n’accepte plus n’importe quoi de la part du groupe social, il devient critique et aspire à être respecté.
[2] Par exemple un discours universitaire psychiatrique, ou alors inféodée à une psychologie formatée ou à tout autre » système » scientifique ou philosophique… et au pire relevant de la croyance aveugle. Cette réflexion vaut aussi pour un praticien qui serait totalement esclave de la théorie psychanalytique sans tenir compte du savoir qu’il aurait acquis au cours de sa propre analyse (approfondie comme il se doit s’il se nomme psychanalyste).
[3] De nombreuses notions de cet article sont arbordées dans d’autres articles auxquels je renvoie le [la) lecteur[trice] ; voir le plan du site