
Pourquoi, bien que la psychanalyse n’ait rien de médicale, elle peut être, incidemment, thérapeutique : quelques réflexions succinctes
Qui peut le plus peut le moins ! Freud qui a très vite compris que les différentes situations cliniques obligeaient à mélanger le « vil plomb de la psychothérapie » avec « l’or pur de la psychanalyse ». Le psychanalyste n’entre pas dans le jeu du symptôme et évite d’en faire une sorte de focalisateur narcissique en enchaînant définitivement le sujet à sa névrose que de ne s’intéresser qu’au symptôme dans l’ignorance complète de ce que sont les bénéfices primaires et secondaires apportés par le symptôme névrotique. Faire du symptôme la raison de vivre du sujet (aliénation), typique de nombreuses psychothérapies qui ignorent le transfert et étiquettent le sujet peut avoir des conséquences graves : par exemple comment s’assurer qu’un agoraphobe, à la suite d’une thérapie du conditionnement arriverait à surmonter sa terreur, ne sera plus en réalité totalement mangé d’angoisse quand il se force à sortir dans la foule. Bref, le psychanalyste écoute une personne souffrante dans l’espoir de pouvoir l’amener à en trouver les causes et ne se pose jamais en expert qui saurait à la place de l’autre. Si le psychanalyste est souvent fort savant, c’est précisément pour pouvoir être ignorant en situation de séance afin de pouvoir laisser le patient s’exprimer librement. Cet aparté me paraît nécessaire pour relever une confusion actuelle extrêmement préjudiciable pour les patients qui souffrent et à qui on laisse croire qu’ils peuvent éradiquer cette souffrance psychique par un coup de baguette magique sans y participer d’aucune manière par ailleurs. De plus, de laisser croire que la vie pourrait être dépourvue de souffrance morale est une escroquerie intellectuelle d’envergure (le new age californien en est un bel exemple) à l’image des processus défensifs à l’œuvre dans l’état névrotique qui pousse le sujet à se raconter un film en permanence. Le psychanalyste, lui, écoute, écoute, et écoute encore pour être certain d’intervenir avec tact et intelligence. Il sait la fonction parfois vitale du symptôme (en tant que formation substitutive du désir), il sait ne pas tomber dans les pièges transférentiels, il sait être parfois plus scientifique que certains qui le prétendent. En tout cas rationnel et certainement pas moralisateur, ni philosophant inutilement. Le but est clair : permettre au sujet de naître. Mais, l’incidence des effets de ce travail permet souvent de sortir la personne d’une souffrance, ce dont elle peut se contenter. L’écoute analytique aura alors permis une psychothérapie ce qui ne signifie aucunement que le psychanalyste se serait placer du point de vue du psychothérapeute. Ce n’est pas son propos, voire plus, le psychanalyste considère que trop entrer dans le jeu narcissique de l’analysant est totalement contre-productif. Il écoute, reste neutre, ne se mêle jamais de la vie de son patient et il intervient lorsqu’il le juge nécessaire. Psychanalyste, il analyse. Il n’est évidemment pas indifférent à la souffrance et manisfeste sa sodilarité, parfois avec beaucoup d’affect, mais il ne peut pas être complice. Ainsi, il communique son désaccord et sa révolte à voir son patient souffrir… donc solidarité mais pas complicité. L’étonnant est que c’est précisément cette éthique inébranlable [1] qui produit des effets psychothérapeutiques alors qu’ils ne sont pas recherchés pour eux-mêmes. Qui peut le plus peut le moins ! Ainsi, un psychanalyste peut permettre l’approche ponctuelle d’une souffrance à court terme sans pour autant que la situation soit authentiquement analytique (3 séances/semaine/sur le divan).
Notes
[1] Non pas une déontologie car l’analyste est toujours seul… donc sa conduite est une affaire entre lui et lui à partir évidemment de sa propre analyse qui, ne l’oublions pas, si elle est à visée didactique, est une transmission orale d’un savoir qui remonte généalogiquement aux fondateurs de la psychanalyse.